La Socialisation chez le jeune enfant

Publié le par Gwenaëlle

Ce texte de Pauline Carignan est tiré de la revue Petit à Petit, publication de L’Office des services de garde à l’enfance, novembre-décembre 1994, volume 13, numéro 4.                          

Dire s'il vous plaît et merci, attendre son tour, se moucher plutôt que d'essuyer son nez sur sa manche, demander à l'autre un jouet au lieu de lui enlever brusquement… voilà autant d'exemples de comportements liés au processus complexe de socialisation. Comme le terme processus l'indique, ces apprentissages s'effectuent chez l'enfant dès son plus jeune âge de façon graduelle, selon sa capacité. C'est ainsi qu'il intégrera les règles sociales, les coutumes et les valeurs de la société dans laquelle il vit.

 

Il s'agit là d'un aspect important du développement de l'enfant puisque la socialisation conditionne l'intégration harmonieuse du futur adulte à la société. Aussi a-t-il semblé intéressant de consulter quelques ouvrages d'auteurs québécois et américains afin de mieux comprendre ce processus et de connaître les principales stratégies qui permettent aux parents et aux éducatrices d'aider l'enfant dans sa démarche de socialisation. En effet, se socialiser ne repose en rien sur un mécanisme spontané; l'enfant doit être guidé, conseillé et il doit acquérir une certaine discipline. Aussi, la volonté de l'enfant de coopérer au processus devra être encouragée par tous les adultes responsables de son éducation. Faciliter la coopération signifie en outre que la relation que les éducatrices établissent avec l'enfant s'appuie sur une attitude chaleureuse et une appréciation réciproque.

 Conditions de la socialisation

 1. Développer les habiletés sociales

 ·         Certains éléments influent sur le développement des habiletés sociales:

 ·         Le tempérament. Certains enfants se montrent plus sociables que d'autres, attirant ainsi l'intérêt et la sympathie des autres. Leurs contacts sociaux chaleureux s'en trouvent multipliés, ce qui facilite le développement des habiletés interpersonnelles.

 ·         La qualité du lien d'attachement. Un lien d'attachement sécurisant garantit une certaine sociabilité, car il donne à l'enfant la confiance nécessaire pour établir de bonnes relations avec les autres. L'enfant qui a la chance de vivre des liens sécurisants avec plusieurs adultes voit ses sources d'affection se multiplier; ces contacts chaleureux l'aident à comprendre quels sont les comportements sociaux acceptables en société.

 ·         La réceptivité de l'entourage. Très tôt les adultes doivent apprendre à décoder les gestes et les mimiques du bébé afin de mieux répondre à ses besoins. Le respect de ses besoins encourage l'enfant à s'ouvrir aux autres et à développer ses habiletés sociales.

 ·         Le développement psychomoteur. Grâce à ses capacités psychomotrices, l'enfant peut diversifier ses contacts avec son entourage et augmenter les occasions de connaître les autres et d'avoir des échanges avec eux.

 ·         Le développement cognitif. Les habiletés cognitives de l'enfant lui permettent de se détacher peu à peu de son point de vue égocentrique pour mieux comprendre les sentiments et les besoins des autres afin de mieux communiquer et de mieux se comporter avec eux.

 

2. Développer la communication

 Le désir d'être compris et de s'affirmer pousse l'enfant à améliorer sa façon de communiquer, verbalement et non verbalement. Savoir communiquer efficacement joue un rôle capital dans le développement des habiletés sociales et le soutien des adultes est nécessaire pour aider l'enfant à développer sa capacité de communiquer.

 3. Les relations avec les pairs

 Les enfants sont capables de s'engager dans des relations sociales, limitées mais souvent harmonieuses, avec d'autres enfants et ce dès l'âge de six mois. À cet âge par exemple, les bébés peuvent, tout en buvant leur biberon, s'amuser à échanger des jouets. Entre 10 et 12 mois, le bébé pleure souvent d'émotion lorsqu'un autre bébé est en larmes. Vers 13 ou 14 mois, il caressera ou embrassera l'enfant qui pleure. Vers 18 mois, il peut aider à consoler un enfant en lui offrant un jouet pour remplacer celui qui fait défaut. Ces exemples montrent que, très jeune, l'enfant est sensible aux personnes qui l'entourent et spécialement aux autres enfants. Le milieu de garde devient donc un lieu privilégié d'apprentissage social puisqu'il permet au bébé d'observer, d'imiter, d'exprimer ses compétences sociales en jouant avec des enfants de son âge.

 4. Les relations avec les parents

 Les relations que les enfants ont avec leurs parents jouent un rôle déterminant dans le développement de leur sociabilité puisque la qualité du lien d'attachement parent et enfant constitue la base de tous les apprentissages. Ce lien se fonde sur la qualité des soins donnés au bébé et sur la quantité de moments agréables vécus ensemble.

 5. Les relations avec l'éducatrice

 Comme le montrent de récentes études, d'autres personnes que la mère peuvent jouer un rôle déterminant dans le développement social de l'enfant et ce, depuis son plus jeune âge. L'éducatrice est l'une de ces personnes. Grâce à la qualité de ses soins et à son contact chaleureux, l'enfant apprendra qu'elle est là pour répondre à ses besoins  physiques et psychologiques et il s'attachera à elle. Ce lien d'attachement permettra à l'éducatrice d'obtenir la participation de l'enfant au développement de sa socialisation.

 Les principales habiletés sociales que l'enfant doit acquérir dans le cadre de la socialisation 

  •  le développement de l'empathie;
  •  l'apprentissage de la générosité;
  •  la prise de conscience des droits d'autrui;
  •   la prise de conscience de la satisfaction qui découle de l'aide apportée aux autres;
  •  la valorisation de la coopération et du compromis au détriment de la compétition; 
  • la découverte des joies de l'amitié; 
  •  la sensibilisation à l'importance de faire valoir ses droits d'une façon verbale plutôt que par des actions belliqueuses.  

Contrôle de soi et conscience morale

 Pour réaliser son potentiel d'habiletés sociales, l'enfant doit accepter comme si elles étaient siennes, les règles, les valeurs et les conventions imposées par la société en développant son sens de l'autodiscipline et l'intériorisation d 'une conscience morale.

 L'importance du contrôle de soi et de l'intériorisation de la conscience se rattachent au but ultime de la socialisation, soit d'amener l'enfant à intérioriser les règles sociales afin qu'il puisse progressivement agir de façon autonome, pour son plus grand bien et celui des autres.

 Les personnes ayant développé un contrôle de soi se montrent plus constantes, plus capables de faire des choix sensés, agissent d'une manière plus conforme à leurs besoins et conservent ainsi une meilleure santé mentale. Les parents et les éducatrices peuvent aider l'enfant à acquérir la maîtrise de soi en l'aidant à développer un ego fort. Il  s'agit d'accroître chez l'enfant son sentiment de maîtrise en lui fournissant des occasions de prendre des décisions, tout en tenant compte de son niveau de maturité pour éviter de lui confier de trop lourdes responsabilités. Par ailleurs, faire prendre conscience à l'enfant de ses compétences lui permet de se considérer comme un individu ayant de la valeur et apte à exercer un contrôle sur lui-même.

 Le contrôle personnel passe aussi par l'acquisition de la conscience morale, soit l'intériorisation de la notion du bien et du mal. Deux facteurs, du ressort des parents et des éducatrices, favorisent le développement de cette conscience:

 

  • une relation affectueuse et enrichissante entre l'adulte et l'enfant qui motive ce dernier à agir positivement;
  •  l'utilisation de la technique verbale d'«induction» qui donne à l'enfant une raison de faire ou de ne pas faire certaines choses: «Je ne peux pas te laisser lancer du sable, car cela fait mal aux yeux de ton petit frère». Chaque explication apporte à l'enfant une motivation à agir orientée vers la personne. Ainsi, les enfants apprennent à se comporter en fonction de leur environnement social au lieu de se conformer aveuglément à des règles qui trop souvent leur semblent établies uniquement pour entraver leur liberté personnelle.

 Les interventions de nature disciplinaire

 1. Vers une saine discipline

 La véritable discipline est une façon positive et constructive d'éduquer les enfants et elle n'est nullement synonyme de punition. La discipline, c'est apprendre aux enfants à se conformer aux règles et aux obligations sociales, tout en reconnaissant leur dignité. Elle permet à l'enfant d'intégrer certaines règles et de comprendre leur raison d'être. Au lieu de susciter chez l'enfant des sentiments d'anxiété et de rejet, une discipline efficace augmente son sentiment de confiance dans le monde qui l'entoure. Certaines conditions sont nécessaires à l'établissement d'une bonne discipline: l'adulte doit guider l'enfant et respecter ses besoins; il doit lui donner le temps nécessaire pour apprendre les règles; il doit prévenir les sources de problème ou de conflit (espace suffisant pour jouer, variation du tempo, limitation des sources de stress, etc.); il doit adapter ses exigences au stade de développement de l'enfant.

 Même si l'adulte exerce une saine discipline, il arrive que l'enfant ait besoin d'aide pour se contrôler et agir d'une façon acceptable sur le plan social. L'intervention à effectuer doit reposer sur quelques règles de base: 

  •   Agir avec fermeté en sachant quand intervenir pour arrêter un comportement indésirable. Ne pas laisser les enfants frapper qui que ce soit, ni détruire le besoin d'autrui.
  •   Agir rapidement quand un problème survient pour ne pas laisser le drame exploser. Par exemple, il faut mettre fin à toute querelle qui menace de dégénérer en affrontement violent.
  •   Une intervention physique s'impose parfois, par exemple pour empêcher l'enfant de porter un nouveau coup. Il faut, doucement mais fermement, maintenir l'enfant avec les mains pour l'empêcher de s'échapper et lui dire: «Dès que tu seras calmé, je te laisserai aller et nous pourrons parler

     2. Les moyens de contrôle à déconseiller

     Certaines méthodes sont moins efficaces, voire nuisibles, pour aider l'enfant à contrôler ses impulsions, à accepter les limites et à comprendre les fondements des règles. Par exemple, les sarcasmes et les coups ont comme effets de diminuer l'estime de soi de l'enfant et d'entraver son développement affectif. Le taper, lui faire honte, crier, le critiquer ou l'enfermer dans un placard enseignent à l'enfant la peur de l'adulte. Ce genre de punition peut conduire à la méfiance, au mensonge, au mouchardage ou au chapardage; il n'a pas comme résultat d'enseigner le comportement social à inculquer à l'enfant. Par exemple, un enfant qui est secoué avec force ou qui reçoit des tapes porte toute son attention sur la douleur, les sentiments d'humiliation et de rejet ressentis plutôt que sur la règle à laquelle il vient de désobéir. Bref, parce que ces punitions sont généralement chargées de sentiments négatifs, elles ont des effets négatifs.

     

La socialisation : un défi

Amener l'enfant et plus tard l'adulte à vivre harmonieusement en société, voilà le défi de l'éducation. En effet, le signe distinctif d'une société épanouissante est sa capacité d'inculquer à ses membres le respect de soi et des autres ainsi que des lois, des coutumes et des valeurs qui lui sont propres. Les parents et les éducatrices jouent un grand rôle dans cet effort de socialisation. Ils ont comme mission de répondre aux besoins de l'enfant et de l'aider à découvrir et à développer ses compétences. Leur engagement affectif et l'exercice d'une saine discipline permettront à l'enfant de développer sa confiance dans les autres, sa capacité de contrôle de soi et une conscience morale lui permettant d'agir pour son propre bien-être et celui de tous

 Ouvrages à consulter:

 - Hendrick, J. (1993). "L'enfant. Une approche globale pour son développement" Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec

 - Martin,J., Poulin, C. et I. Falardeau (1992). "Le bébé en garderie". Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec

 

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Publié dans Pédagogie

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