L’intelligence de l’amour

Publié le par Khalamity

J'ai terminé la lecture de "L'Enfant" de Maria Montessori. Même si les exemples sont un peu désuets (le livre a tout de même été écrit en 1935), c'est un ouvrage de référence à lire, et à relire. J'ai été passionée par cette lecture, en tant que professionnelle, mais également en tant que maman. J'ai voulu partager avec vous ce dernier chapitre, tellement beau. De quoi changer notre manière de penser

L’intelligence de l’amour


Tout le travail qui s’élabore selon les lois de la nature et met les êtres en harmonie affleure à la conscience sous formes d’amour. C’est si l’ont peut dire, le contrôle du salut et le 1er signe de la santé.
L’amour n’est pas la cause mais l’effet ; ainsi, les planètes reçoivent la lumière d’un astre majeur. C’est l’instinct qui est le moteur, la poussée créatrice de vie ; en réalisant la création, il engendre l’amour ; l’amour emplit, par conséquent la conscience de l’enfant ; sa création se fait à travers l’amour.

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Cette poussée irrésistible, qui unit l’enfant aux choses pendant les périodes sensibles, est bien un amour de l’ambiance. Ce n’est pas l’amour au sens où on l’emploie communément pour exprimer un sentiment émotif ; mais c’est un amour de l’intelligence qui voit, absorbe et se construit en aimant. Ce guide qui force les enfants à observer, on pourrait le désigner d’une expression dantesque : « intelligence de l’amour ».
C’est bien une forme de l’amour, cette possibilité qu’a l’enfant d’observer avec une telle minutie, une telle véhémence tout ce qui l’entoure, et d’y découvrir ce qui nous échappe, à nous, qui sommes déjà éteints. N’est ce pas un caractère de l’amour, cette sensibilité qui fait voir ce que d’autres ne voient pas, qui recueille des détails dont d’autres ne s’aperçoivent pas, et qui apprécie des qualités cachées, que seule l’amour fait découvrir ? L’intelligence de l’enfant absorbe en aimant, et non pas avec indifférence ; cette absorption active, ardente, minutieuse, constante de l’amour est un caractères propres aux enfants.
(…)
L’adulte est pour lui un objet particulier d’amour. L’enfant reçoit de lui objets et aides matérielles ; il lui demande aussi avec ferveur de qui lui est nécessaire pour se former. L’adulte est l’être vénérable d’où sortent les mots qui lui serviront à se guider et à se construire son propre langage. Les paroles de l’adulte sont pour l’enfant un stimulant surnaturel. C’est lui qui, par se actes, indique à l’enfant qui sort du néant comment se meuvent les hommes : les imiter c’est entrer dans la vie. Les actes et les paroles de l’adulte l’enveloppent et let fascinent jusqu’à le suggestionner. C’est pour cela qu’il est si sensible, et qu’il disparaît si facilement pour laisser l’adulte agir en lui.
(…)
L’adulte grave dans la mémoire de l’enfant exactement comme un burin dans la pierre. Aussi l’adulte devrait il mesurer les mots qu’il dit devant l’enfant parce que celui-ci est avide de saisir ; c’est un véritable accumulateur d’amour. L’esprit de l’enfant est disposé, jusqu’à ses racines, à l’obéissance. Seulement, quand l’adulte lui demande de renoncer à la commande du moteur qui le construit avec des lois inaltérables, l’enfant ne peut pas obéir. C’est comme si, à l’époque de la dentition, on lui demandait d’arrêter celle-ci, d’empêcher ses dents de sortir. Les caprices et la désobéissance de l’enfant sont les explosions d’un conflit vital entre  sa poussée créatrice et son amour de l’adulte, qui ne le comprend pas. Quand, au lieu de l’obéissance, celui-ci rencontre le caprice, il doit toujours penser à ce conflit, il est en train de compromettre un acte vital, nécessaire à la croissance de l’enfant.
L’enfant n’entend jamais dire que ceci : l’adulte aime les enfants….(…) » et aussi : « il faut enseigner aux enfants à aimer (…) sa mère, son père, les hommes, les animaux, les fleurs… ; »
Qui donc le lui enseignera ? Qui sera ce maître d’amour ? Sans doute, celui qui traite de caprices toutes les manifestations de l’enfant et qui ne pense qu’à se défendre de lui ? Il est évident qu’il ne pourra être ce maître d’amour, parce qu’il n’a plus cette sensibilité, cette « intelligence de l’amour ».


 

 C’est, au contraire, l’enfant qui l’aime. Il désire l’adulte présent. Son délice est d’appeler on attention sur lui : « regarde moi… reste prés de moi… »
Quand il va se coucher, le soir, l’enfant appelle la personne qu’il aime et la supplie de ne pas l’abandonner. Quand nous allons à table, le tout-petit enfant, ce qui est encore au biberon voudrait venir avec nous, rester là, tout prés, non pour manger, mais pour nous regarder. L’adulte passe à côté de cet amour mystique sans s’en apercevoir. Et ce petit être qui nous aime grandira et disparaîtra. Qui donc nous aimera jamais comme lui ? Qui nous appellera jamais, sur le point d’aller se coucher, en disant : « Reste… » Plus tard, il dira, indifférent : « bonsoir, bonne nuit. ». Et qui aura un pareil désir de nous rager, simplement pour nous voir, pendant que nous mangeons, tout en restant à jeun ? Nous nous défendons contre cet amour qui passera. Et nous n’en trouverons plus un pareil. Trépidants nous disons : « je n’ai pas le temps. Je ne peux pas. J’ai beaucoup à faire. » Et nous pensons, en nous-même : « il faut que ce petit se corrige, sans quoi nous serons esclaves. » Ce que nous voulons, c’est nous libérer de lui, pour faire ce qui nous plait, pour ne pas renoncer à nos commodités.

Un caprice terrible est celui qui consiste à éveiller ses parents, le matin, quand ceux-ci dorment encore. (..)Quoi d’autre sinon l’amour pousse l’enfant à peine éveillé, à chercher ses parents ? Et que pourrait bien faire l’enfant, en sautant à bas de sont lit, quand arrive le soleil ? Il va chercher ses parents qui dorment encore, comme pour leur dire : « Apprenez à vivre selon la nature. Voilà la lumière ; le matin est là. » Et il court, simplement pour revoir ceux qu’il aime. Sans doute, la chambre est encore sombre, l’enfant avance en trébuchant, le cœur serré par la peur de l’obscurité ; mais il surmonte tout et arrive très doucement.. il touche se parents.. le père et la père le grondent … «  Je t’ai dite de ne pas me réveiller, le matin… » _ « Mais je ne t’ai pas réveillée, dit l’enfant, je t’ai seulement touchée. Je voulais seulement t’embrasser. »
C’est comme s’il disait : « je ne voulais pas vous éveiller matériellement, mais seulement appeler votre esprit… »
Oui, l’amour de l’enfant est très important pour nous.
Père et mère dorment toute la vie ; ils ont tendance à dormir sur toute choses ; il est nécessaire qu’un être neuf les secoue et les soutienne avec une énergie fraîche et vive, qui n’existe plus en eux. Il faut un être qui agisse différemment et qui vienne dire, chaque matin : « Il y a une autre vie, que tu as oubliée. Apprends à vivre mieux ».
Vivre mieux ; sentir l’amour nous toucher… L’homme dégénérerait sans l’enfant qui l’aide à s’élever. Si l’adulte ne se réveille, peu à peu, une dure écorce le recouvrira et le rendra insensible.

Maria Montessori. L'enfant.
Edition : Desclée de Brouwer

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Publié dans Pédagogie

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