Quand la pub abuse : L'enfant Client

Publié le par Le Nouvel Observateur.- Les petits Français sont-ils noyés sous la pub ?

L'enfant-client

Nos petits sont-ils sans défense face au matraquage publicitaire ? Réponse avec la journaliste Nathalie Sapena, auteur d'un réquisitoire accablant*

Le Nouvel Observateur.- Les petits Français sont-ils noyés sous la pub ?
Nathalie Sapena.
- La France est l'un des pays où il y a le plus de pubs dans les programmes jeunesse. Un petit Français est soumis à près de 24 000 stimuli publicitaires par an. Alors qu'en Belgique il est interdit de diffuser des spots cinq minutes avant et après un programme pour enfants. En Suède, la pub n'a pas le droit d'interpeller les moins de 12 ans et pour cause : même si l'enfant comprend, autour de 7 ans, l'intention persuasive d'un message, cela ne le protège pas. La réaction d'un petit face aux publicités reste affective, il est donc bien plus facile à convaincre qu'un adulte et les publicitaires le savent.
N. O. -La publicité adressée aux enfants dénigre volontairement l'adulte.
Nathalie Sapena.
-Oui, particulièrement celle de l'industrie agroalimentaire qui dynamite les codes sociaux pour mieux vendre. Dans un spot pour Pépito, l'adulte est transformé en gâteau. Dans un autre, une fillette réveille sa mère en pleine nuit pour l'obliger à cuisiner des saucisses et toute la famille remercie l'enfant pour le pique-nique nocturne, etc. A chaque fois, il s'agit de casser la barrière que constitue l'adulte dans l'acte d'achat. Comment ? En sapant son autorité. De nombreuses pubs inversent de manière insidieuse les rôles entre parents et enfants.
N. O. -La réglementation française est-elle suffisante ?
Nathalie Sapena.
-Le message sanitaire rendu obligatoire par la loi de santé publique d'août 2004 n'est toujours pas visible. C'est pourtant une mesurette : il s'agit d'inscrire en bas des publicités qu'il ne faut manger ni trop gras, ni trop sucré, ni trop salé et d'appeler à consommer cinq fruits et légumes par jour. Mais ce projet, perçu comme une première brèche par l'industrie alimentaire, déclenche un lobbying hallucinant. Et tout est bloqué. C'est dommage. Ce n'est pas un hasard si la première chose que font les médecins spécialistes de l'obésité est d'apprendre à leurs petits patients à décrypter la pub, à s'en méfier et à lire les étiquettes. Sait-on par exemple qu'un petit qui consomme un bol de céréales et un dessert a déjà sa dose journalière de sucre ?
N. O. -Vous alertez aussi sur un risque imminent appelé neuromarketing...
Nathalie Sapena
. -Le neuromarketing est l'utilisation d'appareils médicaux, en l'occurrence l'IRM (imagerie à résonance magné-tique) pour mesurer dans le cerveau la sensibilité à tel produit ou telle publicité. On voit alors « s'allumer » les différentes zones du cerveau sollicitées selon que l'on joue sur le goût d'un produit ou sur un slogan. Des instituts de ce genre sont déjà apparus aux Etats-Unis. Effrayant...

(*) « L'Enfant jackpot. Protégeons nos enfants contre les abus de la société marchande », par Nathalie Sapena, Flammarion, 221 p., 18 euros.


Anne Crignon 

Sources : Journal Le Nouvel Obs

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